Communiqué de presse de fin de formation : nos organisations préoccupés par les entraves à l'enseignement primaire

Communiqué de presse

Les journalistes et représentants d’OSC de 9 pays africains préoccupés par les entraves au droit à l’éducation

10 mai 2021

Nous, participants à la formation en ligne sur les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) organisée par Human Dignity du 12 avril au 5 mai 2021, restons préoccupés par le manque d’attention accordée aux droits économiques, sociaux et culturels en Afrique subsaharienne et dans les 9 pays que nous représentons que sont la RDC, le Mali, le Tchad, le  Sénégal, Maurice, le Togo, Madagascar, le Cameroun et le Bénin.

Cette négligence a continué d’entrainer des difficultés dans l’accès aux services sociaux de base que sont la santé, la protection sociale ou encore l’éducation qui ne sont toujours pas considérés comme des droits fondamentaux.

Nous sommes notamment préoccupés par les obstacles à la jouissance effective du droit à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire garanti par la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant et par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. 

En RDC, malgré l’adoption de la loi-cadre n0 14/004 du 11 février 2014 consacrant l’enseignement primaire gratuit et obligatoire, la mise en œuvre de ce droit fondamental n’est pas effective. Certaines régions et zones, notamment à Walikalé, ne disposent pas infrastructures scolaires adéquates et nos organisations ont constaté l’absence de bancs dans les salles de classe et de matériel scolaire et médical. La pandémie de la Covid 19 a exacerbé les difficultés d’accès à l’enseignement en raison de la suspension temporaire des cours, des difficultés pour assurer une formation à distance due à la faible couverture internet et aux coupures d’électricité.  Par ailleurs, la situation des enseignants reste précaire : les enseignants sans matricule (nouvelles unités) ne bénéficient pas du même salaire que les enseignants immatriculés.

Au Mali, depuis la crise multidimensionnelle de 2012, notamment l’occupation des deux tiers du territoire par des groupes séparatistes et djihadistes, crise accentuée par un coup d’état militaire, plusieurs écoles ont été fermées dans le Nord et le Centre du pays. Les responsables éducatifs et scolaires sont obligés de respecter la volonté des djihadistes au risque de voir les écoles attaquées, des enfants et des enseignants tués. Au regard de cette situation, le droit à l’éducation et notamment à l’enseignement primaire est violé et des milliers d’enfants sont privés d’école. A la date du 31 mars 2021, plus de 1300 écoles sont toujours fermées. Les autorités de la transition ne mettent pas la priorité sur l’éducation dont l’avenir du pays dépend en raison de l’immensité des défis auquel le pays fait face.

Au Tchad, selon l’article 38 de la Constitution, l’enseignement public fondamental est laïc, gratuit et obligatoire. Cependant en pratique, les parents continuent de prendre en charge de nombreux frais complémentaires d’environ 15 000 FCFA  qui incluent notamment des frais d’inscription, des uniformes ou encore des frais trimestriels de retrait des carnet de notes de leurs enfants*. Les parents les plus démunis ne pouvant faire face à ces dépenses retirent leurs enfants de l’école ou doivent différer leur inscription avec pour conséquences de retard d’apprentissage.

Les organisations de la société civile signataires de ce communiqué appellent leurs Etats respectifs à :

Recommandations spécifiques sur le droit à l’éducation

  • Dans les zones de conflit, engager un dialogue avec toutes les parties afin de permettre d’assurer la sécurité des populations sur toute l’étendue des territoires
  • Mettre en place un système adapté de cours de rattrapage pour une mise à niveau des élèves qui ont été privés d'enseignement en raison des crises sécuritaires et sanitaires
  • Identifier les régions et zones ne possédant pas d’écoles primaires publiques afin de permettre aux enfants de ces localités de bénéficier de leur droit à l’enseignement primaire gratuit.
  • Prendre toutes les mesures nécessaires afin de faciliter l’accès des enfants de parents les plus pauvres
  • Augmenter significativement la part du budget alloué à l’enseignement primaire afin de doter toutes les écoles en matériel suffisant et en infirmeries; recruter des enseignants supplémentaire et leur assurer une formation de qualité et continue et un salaire décent
  • Mettre en place toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre la corruption et notamment le détournement de fonds consacrés à l’enseignement primaire

Recommandations générales

  • Mettre en œuvre effectivement tous les droits économiques, sociaux et culturels garantis par les traités africains et internationaux ratifiés
  • Doter les ministères chargés des droits économiques, sociaux et culturels de budget et personnel adéquat
  • Redoubler d’efforts afin de permettre une vaccination rapide de leurs populations contre la covid-19
  • Renforcer de manière pérenne les systèmes nationaux de santé afin d’assurer à toutes et à tous un accès à des soins de santé de qualité
  • A court terme, renforcer les mesures d’aides jusqu’ici accordées afin de pallier les effets économiques de la Covid 19 ; et mettre en place des systèmes de protection sociale effectifs et pérennes accessibles à toutes et à tous
  • Ratifier dans les plus brefs délais pour les Etats concernés le Protocole facultatif au PIDESC afin de permettre le dépôt de communications portant sur des violations alléguées de DESC
  • Ratifier dans les plus brefs délais pour les Etats concernés le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et accepter la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes d’ONG

Organisations  et journalistes signataires 

  1. Action Solidaire de la Jeunesse pour le Développement Communautaire (ASOJEDEC) - RDC
  2. Association pour la Défense des Droits des Consommateurs (ADC) - Tchad
  3. Association des jeunes pour le développement du Monde Rural - Cameroun
  4. AZHAR - Mali
  5. Réseau africain d’experts en politique de jeunesse - Maurice
  6. Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT)  - Togo
  7. Comité national des jeunes de la Solidarité Syndicale des Infirmiers du Congo - RDC
  8. Congo Notre Avenir - RDC
  9. Conseil Citoyen Droit à l’Eau et à l’Assainissement au Sénégal - Sénégal
  10. Human Dignity - France, organisatrice de la formation
  11. Journaliste de la Guardia Magazine - RDC
  12. Journaliste de Mali tribune - Mali
  13. Journaliste du  magazine ‘’Tribune Paix et Développement’’– Mali
  14. Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté WILPF/RDC
  15. Organisation pour le Développement Intellectuel de Madagascar (ODIMA) - Madagascar
  16. Réseau social Watch Bénin - Bénin

* Le salaire minimum est de 60 000 FCFA au Tchad